Un mois après sa tenue, le webinaire sur les libertés publiques que la Ligue 95 a organisé le 28 avril, reste d’une grande actualité. Le projet de loi confortant les principes de la République est toujours en débat, après l’échec de la commission mixte paritaire du 12 mai. LeSénat avait durci le texte sur plusieurs points, comme l’interdiction du port du voile lors des sorties scolaires ou les obligations imposées aux associations subventionnées, aux fédérations sportives, etc.
Quant à la proposition de loi sur la sécurité globale, elle vient de subir la censure d’un de ses articles phares par le Conseil constitutionnel, celui qui voulait pénaliser la diffusion malveillante d’images de policiers en intervention.
Jean-Pierre Mignard, grand et médiatique avocat pénaliste, faisait à la Ligue 95 l’honneur de contribuer au débat du 28 avril. Plutôt que de brosser un tableau didactique des libertés publiques, celui qui est pourtant aussi professeur à Sciences Po emmenait les participants dans une analyse de la lente érosion de l’État providence consécutive au choc pétrolier des années 1975. Jugé trop cher, cet État providence va s’effacer au bénéfice de la profitabilité. Puisque les gouvernements successifs ne peuvent plus assurer la paix sociale en redistribuant les richesses produites via les prestations sociales, ils vont s’en remettre à la doctrine sécuritaire. L’Islam et l’immigration, systématiquement rattachés au terrorisme, sont partout invoqués pour justifier une politique sécuritaire.
L’intégrisme vu comme un refuge contre la misère
Fiona Lazaar, députée d’Argenteuil, engagée en faveur de la jeunesse, des solidarités et de l’égalité des chances, enfonçait le clou. C’est cette succession de textes sécuritaires qui ont motivé son départ de la République en marche. La jeune et dynamique femme politique de terrain expliquait comment l’intégrisme constituait, pour certains individus fragiles, un refuge contre la misère.
Aujourd’hui, au nom de la lutte contre le terrorisme, on supprime nombre de droits, tandis que les violences policières sont taboues. Les espaces de débats, que portaient les corps intermédiaires sont rognés. Fiona Lazaar notait qu’au sein du conseil national de lutte contre la pauvreté, qu’elle préside, les personnes elles-mêmes en situation de pauvreté sont représentées à hauteur de 50 % des membres.
Éric Forti, secrétaire général de la Ligue 95, intervenait sur le contrat d’engagement républicain que la loi « séparatisme » prévoit d’imposer aux associations. Drôle de contrat qui exige, unilatéralement des associations qu’elles respectent les principes républicains, la dignité humaine, l’ordre public et les exigences minimales de la vie en société. Pourquoi, cette suspicion toujours à sens unique à l’encontre des associations ? Les entreprises et les syndicats, également subventionnés par des fonds publics ne se voient pas rogner leur libre arbitre.
Dans le même esprit, au niveau régional, Valérie Pécresse s’enorgueillit de la charte de la laïcité que les associations doivent signer pour obtenir une subvention de la région Île-de-France. Le texte a été immédiatement contesté par la plupart des mouvements d’éducation populaire, comme électoraliste et renforçant dangereusement la stigmatisation de la communauté musulmane.
Décidément, la mise en tension libertés publiques / sécurité des personnes est au cœur de nombreux débats actuels, qu’il s’agisse du terrorisme ou du Covid 19.