Les « vacances apprenantes » lancées cet été par le ministre de l’Éducation nationale ont remis les colonies de vacances sur le devant de la scène. Ces dernières retrouveraient-elles quelque vertu, après une baisse continue de fréquentation depuis la fin du XXe siècle ? Rappelons que le dispositif gouvernemental visait l’expérience collective et la remobilisation des savoirs. Les subventions de l’État aux centres de loisirs, établissements école ouverte, colonies apprenantes, ont permis aux familles de ne débourser, par exemple, qu’une trentaine d’euros pour envoyer leurs enfants une semaine en vacances.
En cette année 2020 si particulière, nous avons voulu voir comment les équipes municipales envisagent l’organisation de vacances collectives. Voici un tour d’horizon des 11 plus grosses communes du Val-d’Oise.
Nombre de villes ont développé des offres maison, à commencer par les centres de loisirs. On a mis en place notre propre dispositif en urgence, nous explique le service scolaire de Gonesse, avec du soutien scolaire le matin et des activités l’après-midi. Pour ce faire, on a fait appel à des étudiants et des enseignants. Même chose à Ermont où la mairie a proposé un accueil loisirs « vacances apprenantes », en faisant venir beaucoup plus de prestataires que d’habitude, associations, auto-entrepreneurs… À Garges, le bilan est mitigé : alors que la ville avait embauché huit animateurs, elle a enregistré 25 enfants seulement. La ville estime avoir « rencontré beaucoup de difficultés concrètes à mettre en place le dispositif. Ce n’était pas un manque de volonté de notre part. À la différence de Garges, la ville d’Argenteuil explique que l’Éducation nationale a fait sa partie, en accueillant les enfants le matin dans le cadre du dispositif école ouverte, tandis que les 34 centres de loisirs se chargeaient des après-midi.
Des séjours maison
On fait nos propres séjours. Dans ce cadre, les directeurs de centres de loisirs montent leurs projets, réservent des campings, louent des prestations, nous explique-t-on à la mairie de Garges. Argenteuil aussi assure l’organisation des séjours en interne. La 1ère ville du département dispose pour cela des équipements intercommunaux de Vallangoujard où elle envoie, chaque semaine d’été, une trentaine d’enfants, encadrés par ses propres animateurs.
La plaine de Vallangoujard est également fréquentée par les petits Bezonnais, pour des séjours de cinq jours. Toujours dans le Vexin, la ferme d’Écancourt permet à la ville de Cergy de composer un petit programme avec une dizaine de séjours par an. De même, Ermont laisse carte blanche à ses animateurs pour monter des séjours. Ils trouvent le lieu, l’hébergement, les activités. C’est encore le cas d’Herblay qui fait partir chaque été une centaine d’enfants : nous démarchons nous-mêmes des prestataires.
Partenaires ou prestataires ?
Du côté des communes qui font appel à des opérateurs, les services municipaux penchent plutôt vers des appels d’offres. À Sarcelles, nous avons un marché avec deux prestataires qui assurent l’accueil d’une centaine d’enfants. Idem à Franconville qui passe par des organisateurs extérieurs, dans le cadre d’un marché, pour 50 places toujours très prises, nous dit-on. C’est le cas encore pour la ville de Pontoise qui propose à ses familles deux mini-séjours, en juillet et en août, sur la base d’un appel d’offres. Cergy aussi travaille dans le cadre de marchés publics, s’inscrivant dans le cadre d’une vraie politique de départ en vacances.
On peut s’interroger sur la pertinence de ce mode marchand de sélection des opérateurs quand il s’agit de projets de vacances collectives destinées aux enfants. Que fait-on dans ce cas de la relation de confiance, du dialogue, de la co-construction ?
Car c’est bien ce à quoi aspirent les fonctionnaires municipaux qui nous ont répondu, en écho aux souhaits des familles elles-mêmes.
Un sujet compliqué pour les communes
En approfondissant le sujet des colonies de vacances, on sent l’embarras des communes. Certes, certaines applaudissent des deux mains le dispositif colonies apprenantes qui a permis de relancer cette institution collective plus que centenaire. L’équipe municipale de Villiers-le-Bel a été étonnée par l’engouement des familles, moyennant une participation quasi symbolique, pour les colonies de cet été avec « Vacances pour tous », de la Ligue de l’enseignement.
Le budget à la charge des familles est une question non négligeable. Entre autres problèmes, le portefeuille n’est plus le même, observe le service vacances de Franconville. Nous avons arrêté notre collaboration avec la Ligue pour une question de budget, entre autres problèmes, note encore une fonctionnaire municipale de Pontoise.
Pontoise n’est pas la seule à avoir baissé les bras devant tant de contraintes. La mairie de Sarcelles a envoyé un questionnaire aux parents pour connaître leur appréciation sur le séjour de leurs enfants : entre l’hiver et l’été, on a touché 90 enfants. Mais on n’a eu que 10 réponses… Il faut dire que nous avons trop de paramètres à prendre en compte dans une ville comme la nôtre. Et ce responsable d’ajouter : on travaille sur les « vacances apprenantes », mais c’est aux prestataires avec qui on est en marché de nous proposer quelque chose.
La ville de Cergy est sur la même longueur d’onde : relancer les colonies de vacances ? c’est à vous, opérateurs, de nous proposer quelque chose ! Il fut un temps où la commune travaillait avec « Vacances pour tous », mais l’activité a été arrêtée avec la baisse des inscriptions.
Vers des programmes sur mesure
Il faudrait que les opérateurs nous proposent des choses pas trop loin, avec des animateurs que nous connaissons, résume le responsable périscolaire de Garges-lès-Gonesse. Ermont met l’accent sur le travail collaboratif avec les intéressés, à savoir les jeunes eux-mêmes. À l’appui de son propos, il rappelle que la ville a déjà travaillé avec la Ligue de l’enseignement, pour des camps de vacances. Mais les jeunes nous ont dit : pourquoi on va là ?
Pontoise aussi cherche à aller de plus en plus vers la co-construction des projets de vacances avec les jeunes.
Car si le produit standardisé de l’âge d’or des colonies – les années 1945-1975 – a vécu, tous les éducateurs restent convaincus du bienfait des vacances collectives où on expérimente le vivre ensemble dans un autre cadre que celui du quotidien. Des villes comme Goussainville ou Bezons, qui ont changé d’équipe municipale, se penchent sur les offres de l’été prochain : on est ouvert à toute proposition pour faire évoluer notre offre, annonce une responsable de Bezons.
Le concept des « vacances apprenantes » ne fait pas l’unanimité, certains dénonçant la dérive vers un rattrapage scolaire, mais il a le mérite de faire bouger les lignes et d’apporter aussi des moyens financiers. En cela, il renoue aussi avec la belle époque où l’État pouvait subventionner jusqu’à 50 % des dépenses engagées par les communes et les familles pour faire partir les enfants en colo.
Et si on renouait avec cet objectif d’égalité des droits au départ en vacances ?