© programme de l’AEC
Les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent, dit-on. Cependant, la lecture des programmes des candidats à la présidentielle est instructive. (Voir les programmes en fin d’article). En particulier, leur vision de l’école révèle de profonds clivages. Voici un focus sur les mieux placés dans les sondages. Sans surprise, Jean-Luc Mélenchon et Fabien Roussel défendent haut et fort l’Éducation nationale, avec un service public qui garantit aux élèves des choix identiques sur tout le territoire. De leur côté, Valérie Pécresse et Emmanuel Macron défendent la liberté d’entreprendre et donnent toute latitude aux initiatives locales.
J-L Mélenchon veut en finir « avec les dispositifs qui conditionnent l’octroi de moyens à des objectifs locaux (contrats locaux d’accompagnement, cités éducatives, expérimentations…) ». Fabien Roussel veut rompre avec « la politique de délégation aux collectivités locales, aux familles et au marché privé d’une partie des missions de service public de l’Éducation nationale ». Yannick Jadot, lui, se montre ouvert à des partenariats, mais « avec les associations, les réseaux d’éducation populaire et le tissu industriel et agricole de proximité ».
Ouverture à l’entreprise ?
La posture vis-à-vis du monde de l’entreprise est toute différente chez E. Macron et V. Pécresse. L’un comme l’autre défend l’apprentissage, considérablement développé par l’un depuis 2017, quand l’autre veut l’ouvrir aux jeunes dès 14 ans. Ils sont rejoints par Marine Le Pen qui souhaite renforcer les liens avec le monde professionnel. Celle-ci défend une orientation précoce des élèves vers les filières professionnelles. Elle n’est pas la seule : E. Macron souhaite introduire la découverte des métiers dès la 5e.
On reste dans l’idée de différencier très tôt les filières générale et professionnelle avec V. Pécresse qui veut mettre fin au collège unique, rejointe par M. Le Pen et E. Zemmour. Les deux candidats d’extrême droite vont plus loin en rêvant de classes d’excellence, réservées à l’élite, où on étudierait le grec et le latin ! Mais, n’est-on pas déjà dans cet esprit sélectif avec les EPLEI, ces établissements publics locaux d’enseignement international qu’autorise la loi Blanquer de 2019 ?
Toujours dans l’esprit d’ouverture au privé, E. Macron affirme vouloir des filières universitaires plus proches des besoins de la Nation.
J.-L Mélenchon, peu convaincu par la satisfaction d’E. Macron d’avoir « amorcé la revalorisation des filières professionnelles, veut « reconstruire » cet enseignement, rejoint par F. Roussel. Tous deux souhaitent réintroduire une préparation du bac pro en quatre ans. Les candidats de gauche se battront aussi pour ouvrir des classes, voire de nouveaux établissements publics. Y. Jadot les rejoint pour souhaiter ouvrir de nouvelles filières.
Choix pour tous ou sélection ?
Décidés à abolir les réformes successives de N.Sarkozy, F.Hollande et E.Macron, les candidats de gauche affichent leur volonté de préserver une école publique gratuite, sans sélection. C’est donc l’abolition de Parcoursup. Y. Jadot se dit pour « une orientation choisie et éclairée ». Bien sûr, E. Macron défend son système fermé d’accès au supérieur qui a introduit « plus d’équité et de transparence». Et Valérie Pécresse souhaite seulement le réformer.
De l’élève à l’enseignant
L’antienne sur les savoirs fondamentaux apparaît comme un marqueur politique. Là où V. Pécresse affiche la priorité au français et aux maths, M. Le Pen ajoute à la liste l’histoire, quand E. Macron et E. Zemmour plaident pour le renforcement des savoirs fondamentaux. J.-L. Mélenchon préfère vouloir une école qui « apporte des savoirs à tous les élèves ». Y. Jadot se montre encore plus éloigné de cette problématique « lire, écrire, compter » en évoquant « une école désirable, une école des communs, de la démocratie en actes, vivante, ouverte sur l’autre ».
Concernant les enseignants, tout le monde plaide pour une revalorisation salariale, à des degrés divers. En revanche, leur formation est vue de manière contrastée : J.-L. Mélenchon veut « créer des écoles professionnelles de l’enseignement, en lien avec le monde universitaire ». F. Roussel est dans le même esprit, comme Y. Jadot souhaitant « mobiliser l’ensemble des connaissances pédagogiques et scientifiques et les compétences psycho-sociales indispensables à la gestion de groupe et au travail collaboratif ».
À l’opposé, l’extrême droite revendique une formation basée uniquement sur les concours universitaires. Quant à E. Macron, il a remplacé les ESPE par les INSPE, pour, entre autres, dispenser une formation « sans idéologie ». On retrouve le terme chez E. Zemmour qui veut interdire « la propagande idéologique à l’école » ou M. Le Pen qui appelle les enseignants à une neutralité « idéologique ».
Nombre de candidats réclament une augmentation des effectifs enseignants, allant jusqu’au chiffre de 160 000 enseignants supplémentaires chez J.-L. Mélenchon. Ce dernier prévoit aussi d’embaucher des CPE, des assistants, des médecins, comme aussi F. Roussel et Y. Jadot.
Des chiffres et des lettres
Signalons l’énorme effort programmatique de l’équipe de l’Avenir en commun. Plus de 3000 mots détaillent les propositions de J.-L. Mélenchon pour « une école de l’émancipation et de l’égalité ». Y. Jadot consacre 1400 mots pour « un service public de l’éducation juste et accueillant ». Pour « une école des jours heureux », F. Roussel utilise 1200 mots, tandis qu’Emmanuel Macron offre une version hybride d’un programme-bilan pour « une école de de la réussite » en 1110 mots. Les slogans de M. Le Pen et E. Zemmour pour « une excellence éducative » sont développés, respectivement, en 1000 et 400 mots. V. Pécresse présente son programme « transmettre à nos enfants » en 800 mots.
Pour rester dans les chiffres, on trouve assez peu de données budgétaires dans les programmes, hormis F. Roussel qui chiffre à 45 % l’augmentation nécessaire du budget de l’Éducation nationale. Pourtant les moyens restent le nerf de la guerre, si on veut préserver, voire reconstruire un grand service public de l’éducation. On ne peut que déplorer, ces dernières années une fuite des enfants vers le privé.