Coupé dans son envol par la crise sanitaire en 2020, le service national universel reprend sa course en 2021, à grand renfort de publicité, avec un slogan « Le SNU ne se raconte pas, il se vit » et le mot-dièse #SNUjyvais. La promesse de campagne d’Emmanuel Macron avait commencé à se concrétiser en 2019 dans 13 départements pilotes dont le Val-d’Oise où 119 jeunes avaient été concernés. La cohorte valdoisienne 2020 est de 67 volontaires.
S’adressant aux 15-17 ans, ce dispositif de mobilisation en faveur de l’engagement comprend deux phases : un séjour de cohésion de deux semaines, en internat, à l’extérieur de son département et une mission d’intérêt général d’une durée de 12 jours consécutifs ou 84 h perlées sur un an. Un engagement volontaire de plus de trois mois constitue une troisième phase optionnelle. « Ni armée, ni école, ni colo », rappelle la Secrétaire d’État à la jeunesse. Le SNU a trois objectifs : brassage social et territorial, prise de conscience des enjeux de défense et de sécurité, sensibilisation à l’engagement.
La Ligue de l’enseignement, comme les autres mouvements d’éducation populaire, est convoquée sur cette scène. Ses responsables tant nationaux que départementaux s’interrogent. Les objectifs sont ambigus : apprentissage de la citoyenneté ? Lutte contre le décrochage scolaire ? Mais pourquoi ne pas renforcer avant tout les dispositifs existants qui ont fait leurs preuves ? Le pilotage hybride Armée / Éducation nationale / mouvements d’éducation populaire étonne d’autant plus que ces derniers ne sont pas pleinement associés au processus de mise en place.
L’engagement des jeunes est dans l’ADN de la Ligue, alors pourquoi ne la considérer que comme un prestataire ? Au niveau intrinsèque, les valeurs portées par le SNU sont-elles en phase avec celles de l’éducation populaire ? En dehors du débat éthique sur les valeurs, comment inculquer le sens de l’intérêt général en deux semaines d’internat puis 12 jours en situation ?
Le SNU induit aussi des problèmes juridiques, financiers et organisationnels quant à l’encadrement de ces jeunes mineurs. Nombre de dirigeants associatifs auraient souhaité un renforcement des enveloppes consacrées au service civique, plutôt que de disperser un peu plus les moyens. 61 millions sont inscrits au budget de l’État pour accueillir 25 000 jeunes. Risquons une comparaison : 2 440 € par volontaire SNU, essentiellement consommés par les deux semaines de cohésion contre 3 500 € par volontaire du service civique, indemnisé sur huit mois ! En extrapolant sur l’ensemble de la classe d’âge appelée à effectuer un SNU, un député a calculé qu’il en coûterait à la nation 1,8 milliard par an…
En dépit de toutes ces interrogations et réserves, à l’heure des vaches maigres pour les associations, celles-ci ont-elles les moyens de refuser le financement de l’État pour collaborer à ce dispositif ? Pour cette année, l’État table sur 3850 volontaires en Île-de-France. Il y a du pain sur la planche.