Elle était ouverte, cette porte, depuis longtemps. Elle faisait partie du paysage ; on n’y faisait plus vraiment attention, pas assez sûrement. Quand on jetait un œil par l’entrebâillement, c’était sympa ce qu’on voyait : des grands gamins qui riaient, déconnaient, dessinaient avec une impertinence tellement bienfaisante et vivifiante. On avait presque oublié que pour qu’elle existe et soit solide dans ses gonds, des gens s’étaient déjà battus dans le passé. Il y a quelques années, elle avait même failli se refermer déjà victime de ces vents imbéciles et malsains qui nous empoisonnent. Un courant d’air frais avait permis qu’elle se rouvre ; pas timidement, pas seulement entrouverte mais à pleins battants au nez et à la barbe des « inventeurs du moyen-âge » (Coluche).

Mais hier, elle a claqué, la porte, à la figure et au corps de ceux qui la préservaient jalousement comme une respiration nécessaire à notre société. Elle s’est fermée, la porte, avec une telle violence que l’on n’ose même pas encore y croire ; un claquement de porte qui nous ébranle au plus profond de ce que nous avons de plus précieux, de plus intime : notre liberté de penser, de dire, de faire sans entraver la liberté d’autrui, notre liberté de vivre ensemble. Pour ne pas mourir étouffés, NOUS ALLONS REOUVRIR LA PORTE et nous la rouvrirons autant de fois qu’il le faudra. NOUS NE LA FERMERONS JAMAIS ! NOUS SOMMES CHARLIE !

Annie Trapletti
Citoyenne française, athée, enseignante.